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Prologue
Joy Sorman
SCRIPT | Joy Sorman

Le bus a tourné au coin du boulevard, virage un peu serré, a freiné dans un crissement et s’est immobilisé, expulsant un souffle pneumatique, comme un soulagement.
Elles sont montées, mutiques, têtes baissées, ont composté 6 tickets, rejoint directement, sans hésitation, le fond du bus, et occupent maintenant les 6 sièges de la dernière rangée - alignement de fauteuils râpés, légèrement surélevés -, 6 places qui offrent une vue panoramique sur l’ensemble des voyageurs. Elles ont relevé la tête.
Je me tiens debout près du chauffeur et leur présence m’aimante aussitôt - leurs visages frondeurs qui semblent éclairés d’une lumière noire.

Les plus jeunes ont croisé mécaniquement les jambes, les plus âgées sont assises dos bien droit, cuisses parallèles, pieds joints. Elles se sont installées dans un ordre qui semble aléatoire, ni croissant ni décroissant. Je voudrais pourtant trouver un sens à leur disposition car, j’en suis certain, ces 6 femmes appartiennent à une même famille.
Leurs dents en or pourraient être un indice de cette parenté : chacune d’elles laisse entrevoir, dans un rire ou un bâillement, une ou plusieurs molaires étincelantes, une incisive d’un jaune précieux, une canine métallique. Je comprends que ces dents sont des bijoux.
La dentition de la femme la plus âgée est intégralement en or, sa bouche est un trésor mais le reste de son apparence est rapiécé et approximatif. Elle a peut-être 80 ans, je me dis qu’elle pourrait vendre une de ses dents pour s’acheter des vêtements neufs - mais sans doute tient-elle à sa mâchoire plus qu’à tout au monde, et vendre une seule de ces dents ce serait vendre son âme. Quand elle sourit, l’or illumine son visage bruni, fissuré par les rides.

La présence de ces six femmes modifie étrangement l’atmosphère du bus, elles irradient, mais c’est comme si j’étais le seul à les avoir remarquées, les autres voyageurs ne leur manifestent aucun intérêt, ne leur jettent même pas un regard, tandis que plus je les observe, plus montent en moi la fascination et la crainte, deux émotions enroulées en une, qui me chauffent les tempes et me serrent le ventre. Qui sont-elles ?
Mon imagination les transforme déjà en reines, exilées ou répudiées, en guerrières, en sorcières autant qu’en fées, et même en chasseurs de prime.

FORUM

Presentation
xxxx xxxxxxxx, xxxxxxx, xxx xxxxxxxx xxxxxx xxxx xxxxx xxxxéx xxxx xxxxxx xxx xxxxx, xx xxxxxx xx xxx xxxxxx à xxxxxx xxx (...) jusqu’à dimanche 31 mai ici même avec votre liseuse pour étoffer votre bibliothèque et aux Subsistances pour une rencontre avec les participants.

Vous pouvez à tout moment retrouver le processus de fabrication des histoires à cette adresse.

Bonne lecture !

SCRIPT |

Dix classes de collégiens et un écrivain écrivent un cadavre exquis.

Ici, une fiction s’élabore en adaptant les règles du cadavre exquis, ce « jeu littéraire » inventé par les surréalistes : Joy Sorman écrit un prologue puis un premier chapitre dont seules les dernières lignes sont visibles par les élèves. Puis chaque classe poursuit cette amorce selon le même principe, de sorte qu’un texte se tisse au fil de l’année, alternant les écrits de l’écrivain et ceux des élèves.

Lors de chaque livraison de texte, les auteurs publient également une fiche signalétique qui rassemble des indices ou donne des pistes pour s’inspirer et poursuivre (détails sur l’intrigue, les personnages, références littéraires, scientifiques et artistiques).

Durant l’écriture, l’écrivain et les élèves lisent Construire un feu de Jack London.

Crédits Photo : ©C. Hélie / Gallimard

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