"Il se réveille, allez pose tes questions" :
"C’est pas possible, tu vois bien que le cerveau n’est pas allumé derrière les yeux"
"Si, si, essaie un petit coup de gin"
"Voila c’est bien, on dit bonjour au beau jeune homme"
"Dis moi, où crèches-tu ?"
Le réveillé émet des sons confus.
Les deux inquisiteurs ne savent que faire, soudain on entend : "La passion selon Saint Luc"
Les yeux du réveillé s’allument, clignotent, il réclame un nouveau coup de gin, il veut tout ce qu’on veut.
"Dis moi où crèche Jean Luc ?"
Pas de problème, il se lève.
"Suivez-moi."
Et là en chemin commence à mitonner la vengeance.
Les cons...s’ils croient qu’ils m’ont impressionné...Il faut dire, j’ai bien joué le truc : yeux écarquillés, air terrifié, mains tremblantes...Pour faire diversion, ne pas lâcher le morceau trop vite, j’ai demandé un verre d’eau, j’ai bu lentement, les yeux fermés, ce n’est pas du gin, un peu fade, on se rattrapera quand cette comédie sera terminée...Ils y ont cru, et moi, intérieurement, j’avais envie de rire...J’ai même eu du mal à me contenir, alors j’ai grimacé, ils ont cru que c’était de peur. Bon, maintenant, il faut jouer serré...S’ils croient que je vais les mener chez Jean-Luc, ils se gourrent...J’imagine leurs têtes quand la porte s’ouvrira...Normalement, l’itinéraire ne devrait pas faire naitre de suspicion. Quartier tranquille, petites villas bien alignées avec pelouse bien tondue, arbustes bien taillées et les sempiternels pots de géranium : plus ringard, tu meurs. Faut dire, les parents de Jean-Luc, c’est bourgeoisie et compagnie. Ça y est, on est arrivé.. Ils sonnent, la porte s’ouvre et là, là...ils le reconnaissent, mais trop tard pour se barrer : ça va chauffer, je vous le dis !
C’était peut-être là le moment de jouer un tour de passe-passe...
Heureusement, j’avais emporté avec moi mon sac à dos, qui contenait mon matériel de marchand ambulant.
Je m’adresse alors à ce personnage épouvantable afin de le convaincre de ma situation. Je lui explique que je suis critique littéraire indépendant travaillant pour de nombreux magazines et que j’ai pratiquement tout perdu la semaine dernière dans une tornade qui a eu lieu près de Manosque. Notre maison est maintenant inhabitable, et pour couronner le tout, ma femme vient de me quitter pour rejoindre notre ancien voisin qui nous avait logé les deux premières nuits après la catastrophe. En bref, je me suis fait avoir sur toute la ligne.
En vidant progressivement mon sac, j’ai pu lui montrer les seuls éléments que j’avais soi-disant pu sauver de chez moi : des savonnettes, des poupées en plastique, des gommes, des porte-monnaie, des pinces à cheveux, un tire-bouchon rose fluo.
Choqué de voir dans quelle situation si triste je me trouvais, en ayant pu sauver que quelques bricoles sans énorme utilité, ce grand homme eu de la compassion pour moi et de par sa fonction au sein de l’autorité demanda à ce qu’on me loge plusieurs jours dans un des hôtels prestigieux de la ville.
De la, je pourrais discrètement m’enfuir rapidement pour continuer à rechercher Jean-Luc. Pour remercier "mon sauveur", je lui ai donné mon tire-bouchon rose fluo.
Décidément, le Jean-Luc, il finissait par nous courir sur le haricot car à chaque fois qu’on touchait au but, pfitt, il disparaissait. Il faut dire aussi que les lascars nous avaient mis sur des fausses pistes et qu’ils n’avaient pas ménagé leur peine pour brouiller les pistes. Les salauds, quand je pense qu’on avait marché dans la combine du premier. Il n’avait eu que ce qu’il méritait, comme on ne savait pas interroger, les choses tournaient mal parfois. On l’avait averti, tant pis pour lui, il nous avait pas crus. Là où il était maintenant, il ne pourrait plus mener les autres en bateau.
En tout cas, le Jean-Luc, fallait absolument qu’on le retrouve avant qu’il ne soit trop tard. Le dernier informateur nous avait bien aidés, il nous avait même sauvé la vie. Ca, on peut le dire mais on avait mis les bouts et la chasse au Jean-Luc reprenait de plus bel. Bon, refaisons le point : il avait pris la direction du Sud dans une C5 gris clair, il voulait éviter les autoroutes et leurs caméras. Donc, ça nous laissait plein de choix possibles. Il fallait qu’on se mette dans sa peau pour essayer de voir comment il a pu réfléchir pour choisir la route, ça allait encore nous prendre des plombes et retarder le moment où on allait lui mettre le grappin dessus mais y’avait pas le choix. Jean-Luc, il aimait la discrétion, on en est même venus à se dire qu’il avait dû éviter les nationales, trop de risques d’être arrêté de façon inopinée. On a donc misé sur les départementales mais on en avait pour un bout de temps, on était pas au bout de notre voyage. Allez, on organisa notre périple il fallait lui mettre la main dessus avant qu’il ne s’en rende compte que j’avais filé mon tire-bouchon préféré à l’autre gus car autrement, il se méfierait. On fit le plein et on mit cap sur le sud par les petites routes. Heureusement qu’il y avait la radio, ça ferait passer le temps. On tira à la courte paille, une vraie, qu’on avait ramassée dans les champs pour savoir qui commencerait à conduire. Le sort me désigna.
